🚀 Partager les succès

Si vous travaillez sur un projet dans une petite équipe, il est sans doute facile de suivre ce qui se passe en ce moment. Qui fait quoi, quels sont les sujets du moment, quels sont les dernières modifications visibles et les dernières étapes effectués.

Mais au fur et à mesure que l’équipe grandit, ce sens de « qu’est-ce qui se passe en ce moment » devient plus difficile à appréhender. Et on découvre un jour qu’on n’était pas au courant de telle nouveauté, de tel changement dans l’équipe d’à côté, ou de tel recrutement. Ça a été annoncé, sûrement – mais peut-être pas aux bonnes personnes, ou au bon moment.

Chez Capitaine Train, on avait mis au point une petite convention simple pour rendre les succès plus visible.

“There are things that can give you wings, but I’ll give you a rocket!”

Pour partager les succès, pas besoin d’en faire des caisses. Ce qu’on faisait, c’est simplement de poster un message dans un canal public sur le chat interne (Slack, en l’occurrence).

Une seule règle : mettre un emoji :rocket: 🚀 au début du message.

C’est tout.

Pas besoin d’être bien long ; il s’agit juste de communiquer aux autres une nouveauté dont vous êtes heureux ou fier :

Comme c’est très léger, ça ne prend pas beaucoup de temps à écrire.
Comme c’est rapide, on hésite pas à annoncer la petite nouveauté dont on est fier, même si ce n’est qu’un petit détail.
Comme c’est juste une convention, ça ne rajoute pas un processus de plus.
Et comme c’est sur Slack, ça permet de recueillir les félicitations et les applaudissements (et c’est important, les applaudissements).

Composer les outils pour aller plus loin

La beauté des conventions, c’est que ça active plein de possibilités. On peut s’en servir pour faire plein de belles choses en plus.

Par exemple, pour les changements qui s’y prêtent, on peut ajouter une image à son annonce : une capture d’écran, la photo de la personne recrutée, ou un gif animé qui présente une nouvelle fonctionnalité.

Pour être notifié de ces annonces spécifiquement, il est possible de rajouter :rocket: à la liste des mots-clefs qui déclenchent une notification. Ça peut permettre de mieux filtrer le bruit, et de n’être notifié que de ce qui est important.

Enfin, il est assez simple de générer une newsletter interne, mensuelle ou bimensuelle, à partir de ces annonces. Une simple recherche sur 🚀 renverra tous les messages à inclure dans la newsletter. Il est même possible d’automatiser le processus : coder un petit bot pour Slack qui recopie les :rockets: dans une planche Trello ; et un autre bot qui, une fois les annonces mises au propre, envoie automatiquement une newsletter avec le contenu de la planche.

Brève histoire de la révolution technologique

Lu dans Espejos, d’Eduardo Galeano (2008) :

Croissez et multipliez-vous, avons nous dit, et les machines crûrent et se multiplièrent.
Elles nous avaient promis qu’elles travailleraient pour nous.
Aujourd’hui nous travaillons pour elles.
Les machines que nous avons inventées pour multiplier la nourriture multiplient la faim.
Les armes que nous avons inventées pour nous défendre nous tuent.
Les autos que nous avons inventées pour nous déplacer nous paralysent.
Les villes que nous avons inventées pour nous rencontrer nous isolent.
Les grands médias, que nous avons inventés pour communiquer entre nous, ne nous écoutent ni ne nous voient.
Nous sommes machines de nos machines.
Elles plaident leur innocence.
Elles ont raison.

L’ajout d’une phrase sur Internet et la surveillance est laissé à l’exercice du lecteur.

Pour des prises de décisions ouvertes

Je découvre ce bel article de John Ousterhout au sujet de son processus de prise de décisions ouvertes (en anglais) :

The open decision-making approach includes elements that many people find counterintuitive or contradictory to their “upbringing”:

  • Consensus is easier to achieve than you might think.
  • You don’t have to control decisions as much as you think.
  • Encouraging controversy early in the process results in better decisions and less controversy later.

C’est précisément le genre d’articles que je cherchais quand, il y a quelques années, chez Capitaine Train, je me demandais comment formaliser notre processus de prise de décisions. Ça ressemblait à quelque chose de beaucoup plus léger – essentiellement basé sur du consensus, parce qu’on est de grandes personnes, qu’on sait discuter avec passion, et malgré tout s’incliner devant une décision qu’on aurait prise différemment.

En comparaison, John Ousterhout propose aussi un moment de vote formel en plus du consensus. Ça ne me semble pas forcément nécessaire pour des petits groupes – mais en même temps ça peut aider à ne pas avoir seulement l’avis des plus grandes gueules.

Il décrit aussi des étapes de décisions sous la forme « resseré - élargi - reserré » : dégrossir le problème avec un petit nombre de personnes, ensuite le plus vite possible récolter plein d’avis très largement, et finalement décider à nouveau en comité restreint.

Au final, l’enjeu est toujours de prendre une bonne décision, rapidement – mais surtout de la faire accepter par ceux qui vont l’implémenter. Tout ira tellement plus vite si les personnes concernées comprennent et acceptent le choix qui est finalement fait ! Et tellement plus efficace que laisser les gens traîner des pieds pendant des mois.

Frédéric Lordon : le journalisme post-politique

De Frédéric Lordon, Politique post-vérité ou journalisme post-politique ? :

Ce que le journalisme « de combat » contre la post-vérité semble donc radicalement incapable de voir, c’est qu’il est lui-même bien pire : un journalisme de la post-politique — ou plutôt son fantasme. Le journalisme de la congélation définitive des choix fondamentaux, de la délimitation catégorique de l’épure, et forcément in fine du gardiennage du cadre. La frénésie du fact-checking est elle-même le produit dérivé tardif, mais au plus haut point représentatif, du journalisme post-politique, qui règne en fait depuis très longtemps, et dans lequel il n’y a plus rien à discuter, hormis des vérités factuelles. La philosophie spontanée du fact-checking, c’est que le monde n’est qu’une collection de faits et que, non seulement, comme la terre, les faits ne mentent pas, mais qu’ils épuisent tout ce qu’il y a à dire du monde.

Derrière les phrases un peu longues et le ton agacé, l’article entier est une réflexion intéressant sur les rapports du « journalisme post-vérité » et de la fin des idéologies.

De ce que j’en comprends, l’argument est que si tant d’énergie est mise à nous convaincre que rien ne peut plus changer, qu’il faut se plier à la réalité, celle qui reconduit le monde tel qu’il est – n’est-il pas inévitable que les votes finissent par se tourner vers les candidats qui proclament malgré tout la possibilité de faire changer les choses ?

Un méchant de bande dessinée

Le film Speed Racer (Les Wachowski, 2008) a une certaine ingénuité que j’aime bien, au fond. FilmCritHulk en parle mieux que moi.

Royalton, le méchant de l’histoire, est un vrai méchant, au premier degré. Pas de subtilité : c’est une caricature du type le plus faux qu’on puisse imaginer. Tiens, je vous ai même fait un petit montage pour vous présenter le bonhomme.

Mais évidemment cette situation caricaturale n’existe pas, ne peut pas exister en vrai. Bien sûr. C’est trop gros.

Quoique…


Une version avec des sous-titres est disponible directement sur Youtube.